Un article du low-tech magazine partagé sur la plateforme SlowHeat avec l'autorisation de son auteur Kris De Decker. Traduit par: Benoît Bride
NDLR: L'article est truffé d'exemple historiques. Notons que s'il fait l'éloge d'une conception du chauffage "à l'ancienne", car elle est plus profitable et performante, il ne souhaite pas pour autant revenir à l'époque du feu ouvert et des charbons ardents. Notre savoir faire et nos connaissances peuvent nous permettre d'allier ces concepts à de l'innovation désirable. N'oublions jamais que de toute l'histoire de l'Homme, à quelques exceptions, il n'y a que nos générations qui ont imaginé maintenir un climat de 22°C en plein hiver dans tous les espaces construits. Si on se scandalise avec raison des stades climatisés du Qatar peut-être est-il temps que nos sociétés fassent également leur introspection.
Les chauffages portatifs
L’inconvénient apparent d’un chauffage local est que les personnes doivent être à un endroit précis pour jouir du confort thermique. Autrefois, la famille se réunissait autour de la cheminée ou de poêle pour des activités calmes, ou lorsque le corps devait être réchauffé après un passage prolongé dans un endroit froid. Les autres zones de la pièce, ainsi que les pièces non chauffées, étaient plutôt dédiées à des activités nécessitant un effort métabolique important. Les gens “migraient” alors dans la pièce et dans la maison à la recherche du climat le plus indiqué pour leurs besoins.
Cependant l’efficacité de sources de chaleur radiative et de l’isolation locale était améliorée par les chauffages portatifs qui apportaient de la chaleur par radiation, convection et/ou conduction. Ces systèmes mobiles permettaient d’augmenter encore le confort thermique dans les endroits où était placée une source de chaleur localisée, et ils étaient utiles pour transporter de la chaleur dans d’autres lieux. Les chauffages portatifs étaient spécialement conçus pour réchauffer les mains et les pieds, qui sont les parties du corps les plus sensibles au froid.
Les sources de chaleur individuelles permettaient aux gens de profiter de la chaleur de la cheminée centrale dans des pièces non chauffées, voire même à l’extérieur.
On peut citer par exemple le chauffe-pieds, une boîte avec une ou plusieurs partitions perforées qui contenaient un bol en métal ou en terre cuite rempli de braises venant de la cheminée. Les pieds étaient posés sur ce “poêle” et les vêtements longs de l’époque augmentaient encore l’efficacité de ce petit appareil de chauffage : la chaleur était guidée par la jupe ou la robe de chambre et montait le long des jambes pour réchauffer le haut du corps. La partie supérieure de l’objet était en bois ou en pierre, en général un matériau à faible conductivité thermique pour éviter les brûlures.
En haut: un chauffe-pieds hollandais (Source: Wikipedia Commons). En bas: “Jeune femme se chauffant les mains”, peinture de Caesar van Everdingen.
Dans de nombreux endroits de par le monde, des sources de chaleur analogues servaient à réchauffer les mains. Elles étaient faites de métal ou de céramique et étaient remplies de braises venant de la cheminée, ou éventuellement de charbon ou de tourbe. Ces chauffages individuels permettaient aussi aux gens de profiter d’un peu de chaleur issue de la cheminée hors de la maison. On les emportait dans les calèches ou dans les trains non chauffés, ou même encore à la messe du dimanche. Les pauvres gens utilisaient simplement des pierres chaudes ou des briques, ou même des pommes de terre chaudes mises directement dans leurs poches.
Pour réchauffer le lit, on utilisait des poêles (analogues aux poêles à frire) en laiton, elles étaient munies d’un long manche et on les faisait circuler sous les couvertures.
Certains lits avaient un réservoir spécial : il s’agissait d’un grand cadre de bois au centre du sommier, destiné à recevoir un pot de combustible ardent. Au 19ème siècle, après la démocratisation de l’adduction d’eau, l’utilisation de pots d’eau chaude en céramique devint courante, l’eau étant une substance moins dangereuse qu’un feu qui couve. Ces pots, intégrés dans des tissus de protection, devenaient des chauffe-pieds, des chauffe-mains ou des chauffe-lits.
Certains peuples poussèrent le concept du chauffe-pied un cran au-dessus. Les Japonais avaient leur “kotatsu”, une table basse mobile avec un chauffage au charbon de bois dessous. Un tissu épais ou une couverture étaient posés sur la table pour piéger la chaleur et tous les membres de la famille glissaient leurs jambes en dessous, en s’asseyant sur le sol. Tout comme les chauffe-pied européens et américains, les habits de l’époque amplifiaient encore l’efficacité du système. La chaleur du foyer au charbon était transférée à travers le kimono japonais traditionnel, réchauffant tout le corps. Des systèmes similaires étaient utilisés en Afghanistan (tel que le “korsi”), en Iran, en Espagne et au Portugal.
Sources :
Stralingsverwarming: Gezonde Warmte met Minder Energie, Kris De Decker, 2015
Keeping Warm in a Cooler House. Creating Comfort with Background Heating and Local Supplementary Warmth (PDF). Historical Scotland Technical Paper 14, Michael Humphreys, Historic Scotland, 2011
Radiant Heating and Cooling Handbook (Mcgraw-Hill Handbooks), Richard Watson, 2008
Human Thermal Environments: The Effects of Hot, Moderate, and Cold Environments on Human Health, Comfort, and Performance, Third Edition, Ken Parsons, 2014
The Book of Masonry Stoves: Rediscovering an Old Way of Warming, David Lyle, 1984
History of radiant heating and cooling systems, part one. Robert Bean, Bjarne W. Olesen, Kwang Woo Kim, in “ASHRAE Journal”, January 2010, pp. 40-47
Adaptive Thermal Comfort: Principles and Practice, Fergus Nicol, Michael Humphreys & Susan Roaf, 2012
Dictionnaire de l’Ameublement et de la Décoration depuis le XIII siècle, Henry Havard, 1887-1890.
Foot warmers: hot coals, hot water. Home Things Past.
Bed warmers. Old & Interesting.
Muff warmers & other antique hand warmers. Home Things Past.
Körperwärmespender. Website.
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