Le froid et les bébés
Avant de commencer sur ce sujet là, entendons-nous bien, il est normal et légitime de se préoccuper pour ces petits êtres qui paraissent parfois si petits et sans défenses. Mais qu'en est-il vraiment ? Les enfants sont-ils si fragiles ?
Le bébé, qui était au chaud dans le ventre de sa mère entre moins violemment dans notre monde si la chaleur l'accompagne pour ses débuts et que la transition se fait en douceur.
De plus, la régulation thermique des nouveau-nés n'est pas encore au point, il faut un peu de temps pour qu'elle se mette en place. Saviez-vous par exemple que les nouveau-nés ne frissonnent pas ? Or c'est un mécanisme utile pour nous réchauffer.
Les bébés ont également peu d'inertie thermique et ne profitent donc pas longtemps de la chaleur qu'ils emmagasinent. Les sortir découverts par grand vent froid, même pour une courte durée peut rapidement faire chuter leur température. Il faudra donc veiller à leur équilibre thermique et être prudent durant les premiers jours. Ensuite, s'il est en bonne santé, vous pourrez envisager d'amorcer progressivement la baisse des températures, tout en surveillant les réactions. Parlez-en à votre médecin, il saura vous aider. En toutes circonstances, prenez le temps de faire les choses à votre rythme.
À terme, la température idéale pour la chambre d’un bébé est de 16 à 20°C. Les températures trop élevées augmentent le risque de mort subite. À 24°C le risque est 40% plus élevé qu'à 20°C tandis qu'à 27°C (on y arrive vite si le bébé est proche du radiateur) le risque serait 2,1 fois plus élevé. [Source : Environmental Health Perspectives].
Comme pour un adulte, il n'est pas question de le mettre à dormir nu par 16°C. Il faut adapter l'habillement à la température. L'avantage d'une température basse est également de conserver un minimum d'humidité dans l'air et d'éviter la déshydratation du nouveau-né.
Ainsi, s'il est correctement habillé, un air à 16°C ne pose aucun souci au bébé, au contraire. Il existe pléthore de tableaux vous aidant à habiller votre enfant de façon adaptée aux températures. Vous trouverez facilement sur le net comment habiller votre bébé en fonction des températures. Voici un exemple parmi d'autres:
Parlant de nouveau-nés, il est également intéressant de voir qu'il n'est jamais venu à l'idée de quelqu'un de mettre un néonat dans une pièce à 30°C. Ce serait très énergivore et très inconfortable pour le personnel soignant. Donc, plutôt que de chauffer les murs et l'air de tout le monde on opte naturellement pour le chauffage des corps où et quand ils en ont besoin, avec diverses solutions (OMS).
Le froid et les jeunes enfants
Les différentes études que nous avons pu parcourir convergent toutes vers une même conclusion : les enfants ont un confort thermique situé 2 à 4°C en dessous de celui des adultes. Plutôt 3 à 4°C en maternelle, plutôt 2 à 3°C en primaire.
Ainsi, un adulte ne peut pas se baser sur son propre confort pour l'extrapoler à son enfant. De quoi expliquer pourquoi les enfants ne mettent jamais leurs pulls alors que nous trouvons qu'il fait frisquet ?
Nous n'avons pas encore trouvé de raison définitive dans la littérature (on continue à chercher) expliquant pourquoi un adulte perd cette faculté à se sentir bien dans des ambiances jusqu'à 4 degrés plus fraiches ? Une explication est morphologique : l'enfant est moins épais, sa peau est plus proche du centre "chaud" de son corps ce qui la tient à plus haute température et peut lui donner une sensation de chaleur supplémentaire. L'autre est de l'ordre de l'acclimatation, un enfant oublie de s'habiller correctement, court dehors, se mouille, transpire, saute dans la neige, bref, il stimule beaucoup son corps et ça l'aguerri face, notamment, au froid. L'arrivé en classe primaire, les longues heures passées assis dans des ambiances tièdes pourraient expliquer la perte progressive de cette faculté. Comme le sport et l'immunité, la capacité à se sentir bien dans des ambiances plus fraiches, ça s'entraine !
Le froid et les adultes
On est nombreux à avoir cette idée en tête : Le froid, ça rend malade. Ça peut même tuer !
Le froid, nous le côtoyons la moitié de l'année mais au-delà des "on-dit", le connaissons-nous vraiment bien ?
Il est évident qu’un froid trop intense ou trop prolongé est dangereux, car il provoque des blessures localisées telles que les engelures, ou une réduction globale de la température du corps (hypothermie) aux conséquences funestes.
Dans un environnement sans vent, ce risque apparait lorsque les températures sont négatives. Ce qui laisse une certaine marge.
Sources : INRS, trimestriel Références en santé au travail n°160, décembre 2019, page 37 [https://www.inrs.fr/dms/inrs/CataloguePapier/DMT/TI-TC-167/tc167.pdf]
Mais quel est l’impact sur notre santé d’un froid modéré ? Est-il vraiment néfaste ? Et si, grâce à lui, notre corps se trouvait renforcé ?
Que dit la science
L’équipe du professeur van Marken Lichtenbelt de l’Université de Maastricht travaille sur ce sujet depuis longtemps, et a produit de nombreuses publications. En particulier, un review particulièrement clair en 2017, sur lequel se base cet article [1].
Réduction de l’obésité
L’exposition au froid augmente, en réaction, la production de chaleur par le corps (thermogénèse). L’ampleur de cette réaction et sa dépendance à la température est très variable d’un individu à l’autre (van Ooijen et al., 2004).
Au cœur de la réaction du corps : les graisses brunes, bien connue des scientifiques étudiant les mammifères en hibernation, mais également présentes chez l’humain. Ces tissus ont la propriété de pouvoir générer activement de la chaleur dans le corps, en réaction à une exposition au froid. A ne pas confondre donc avec la graisse que l'on connait plus classiquement, dite « blanche », qui isole et sert au stockage d’énergie sous forme chimique.
Notre corps est un modèle de résilience : suite à une contrainte il va chercher à se développer pour être plus apte à y faire face les prochaines fois. Ainsi, comme nos muscles qui se renforcent sous l'exercice, ces graisses brunes se développent lors d’expositions répétées au froid. Ceci explique et démontre notre capacité à s’habituer et s'entrainer au froid. Grâce à ces graisses brunes qui se développent, notre corps augmente la capacité de sa "chaudière interne" à produire de la chaleur pour faire face aux prochaines expositions au froid. Et comme pour le sport, au bout des quelques temps ce qui était une contrainte et difficile, devient facile, normal et plaisant... merci le corps !
Image de l’activité des graisses brunes avant et après acclimatation au froid. Source : van der Lans et al. (2013).
La répartition de ces graisses thermoactives dans le corps est également liée à la localisation corporelle de l’inconfort : lorsque l’on a froid, c’est en général dans une partie donnée du corps. Identifier cette partie, ce que nous sommes trop peu habitués à faire, peut nous aider à compenser l’inconfort de façon optimale.
Lors des expériences, les chercheurs ont constaté que jusqu’à 30% de la dépense d’énergie du corps pouvait être dédiée à la production de chaleur chez de jeunes adultes, pour des expositions à des températures de 14 à 16°C (van Ooijen et al., 2004). Ils ont également constaté qu’une exposition à 17°C deux heures par jour pendant 6 semaines suffit à augmenter la thermogénèse et conduit à une perte significative de masse graisseuse (Yoneshiro et al., 2013). Des ambiances fraiches ou dynamiques (alternant entre la neutralité et la fraîcheur) peuvent donc contribuer à la maîtrise du poids des individus.
Améliorations sur le diabète
Il est démontré que l’exposition à des ambiances fraiches augmente la capacité à métaboliser du glucose. Lors d’une expérience d’exposition intermittente au froid (10 jours, 6 heures par jour à 15°C), des personnes atteintes de diabète de type 2 ont vu leur sensibilité à l’insuline augmenter de 43%, avec un impact positif sur leur profil glycémique et, partant, une réduction des risques de complications liées au diabète. L’ampleur de cette augmentation de sensibilité est estimée similaire à celle des thérapies médicamenteuses ou basées sur l’activité physique (Hanssen et al., 2015).
Impact sur les maladies cardiovasculaires
En soit, l’exposition au froid présente un risque cardiovasculaire, car elle peut augmenter sensiblement la pression sanguine et la tension artérielle. Cependant, plusieurs études indiquent que l’exposition répétée à un froid modéré atténue les risques encourus lors des expositions « sévères ». (Makinen et al., 2008). Notamment, les chercheurs observent une augmentation du volume sanguin (Nielsen et al., 1993), une baisse du rythme cardiaque pour des efforts physiques données (Weller et al., 2007), et une augmentation du débit cardiaque (Lorenzo & Minson, 2010).
L’hypothèse est que l’exposition répétée au froid agirait comme un entrainement du système cardiovasculaire, entretenant sa bonne santé et le rendant plus résilient lors de situations de stress.
Au-delà de ces trois aspects (obésité, diabète et système cardio-vasculaire), d’autres effets potentiels méritent d’être investigués. Il y aurait notamment des indices (des observations à l’échelle cellulaire) que l’exposition répétée au froid renforcerait à court terme le système immunitaire et la résistance aux maladies respiratoires telles que la grippe et la pneumonie.
Selon les auteurs du review, les données sont encore insuffisantes pour proposer des protocoles d’exposition au froid idéaux. La grande variabilité entre individus n’aide pas à définir des conditions d’ambiance idéales à recommander. Et les effets sur la santé à long terme ne sont pas encore clairs non plus. Mais les indications sont suffisantes pour casser l’idée du froid comme source des problèmes de santé. Au contraire, une exposition régulière à des ambiances fraiches a des effets positifs démontrés.
Faut-il pour autant vivre dans l’inconfort ? Non, puisque d’une part le corps a la capacité de s’adapter, et d’autre part la sensation de contraste thermique peut, dans certaines conditions, être jugée agréable et plaisante.
Ce n'est peut-être pas anodin si dans les pays nordiques et froids, un grand nombre de pratiques, de rituels impliquent l'exposition au froid (bains matinaux dans les lacs, passage du chaud au froid dans les saunas, école et sieste dehors...). Autant de reliques qui traduisent un amour et une culture du froid, aujourd'hui inexistante dans nos régions.
Alors prêts à accueillir le froid pour une « promenade de santé en dehors des zones de confort » ?
[1] Healthy excursions outside the thermal comfort zone, W. van Marken Lichtenbelt, M. Hanssen, H. Pallubinsky, B. Kingma and L. Schellen, Building Research & Information 2017 Vol. 45 Issue 7 Pages 819-827, DOI: 10.1080/09613218.2017.1307647
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