Pour être durable et résilient, nous devons consommer 7 fois moins de chaleur.
Ces premiers mois, nous avons eus l'occasion de faire mûrir le sujet puis d'essayer, d'expérimenter de nouvelles manière de vivre avec moins chaleur... (17,4°C en moyenne, soit de l'ordre de 30% d'énergie en moins).*
Ce que nous avons découvert c'est que:
0/ Il est tout d'abord extrêmement difficile d'imaginer une autre façon de faire que l'actuelle (thermostat, chaudière, radiateurs, 21°C...). Cela fait plus de 50 ans qu'on fonctionne de la même façon, comment pouvons nous ne serais-ce que imaginer une autre façon de faire?
1/ Sans changement radical mais simplement en y trouvant une motivation, le plafond des efforts que nous pouvons décemment réaliser si situe autour de 17,5°C (±1,5°)
En seconde partie d'hiver, quand le corps est rodé, avec 17,5°C en moyenne dans le logement il est tout à fait possible d'être relativement confortable, de vivre une "bonne vie", d'éprouver de la joie et de la satisfaction. La température semble temporairement et pour certains pouvoir baisser jusqu'à 16°C dans les pièces de vie, 14°C dans les espaces de nuit et rester acceptable sans nécessiter de solutions exotiques autres qu'un habillement adapté, l'usage de plaids et de couvertures adéquates pour dormir. Sans rien de nouveau donc.
2/ Une approche progressive de sa réduction de chaleur permet une adaptation du corps et des habitudes plus douce et plus facile. Si cela sonne comme un frein à une réduction brusque en cas de besoin, cette découverte à également l'avantage de nous rassurer quand au fait que l'être humain à la capacité de s'adapter réellement et en profondeur à un environnement que change. Cela demande parfois du temps, parfois quelques efforts au départ. Comme pour le sport !
2/ Dans la fourchette 16-19 °C (17,5°C ±1,5) il arrive un moment où, dans le système actuel, sans solutions compensatoires particulières on ne peut plus descendre descendre la température sans altérer son confort. La limite exacte dépendra par exemple:
de l'individu (âge, genre, morphologie)
du moment (matin, soir, début ou fin de l'hiver, après le repas…)
de l'état physique (fatigue, coup de soleil, activité physique, hormones, cycles, maladies, inflammations…)
de l'état mental et psychologique (stress, anxiété, joie, excitation…)
3/ Ce seuil de transition entre confort et inconfort, est décrit comme étroit. Par exemple entre 18 et 16,5°C on ne sentira que peu de différence puis d'un coup à 16°C on aura réellement froid. Cela se joue donc "à pas grand chose". Le système actuel permet difficilement la réactivité et la finesse de réglage nécessaire pour rester aux portes de cette limite sans la franchir.
4/ Cette limite s'exprime différemment d'un individu à l'autre et d'un moment à l'autre. Parfois on aura froid au plus profond de nous, parfois ce seront nos mains que seront glaciales et engourdies puis à d'autres moments ce sera notre corps qui sera prit de frissonnement sans pour autant que nous ayons vraiment froid. Il y aurait donc autant de façon d'avoir froid que de façon d'avoir faim (envie de sucré, de salé, de gras…). Et éventuellement des façons d'y répondre qui pourraient gagner à être diversifées.
5/ Les excursions en deçà de 16°C pour les pièces de vie et 14°C pour les espaces de nuits nécessitent des solutions compensatoires particulières, nouvelles pour rester confortable. On pense notamment aux éléments chauffants locaux (tapis, capes, radiants…) mais aussi aux kotatsu "DIY" ou encore aux solutions dérivées de la bouillotte qui avec 30-500 Watts, souvent électriques, compensent des Kilowatts issus du gaz. Notons également une recherche en cours au sein de SlowHeat qui vise à étudier différentes façons de pousser notre corps à mieux réagir face au froid via l'alimentation, le shiatsu et d'autres façon de "hacker" son corps pour qu'il produise plus de chaleur.
6/ Ces solutions particulières peuvent permettre de descendre jusqu'à 10°C dans les pièces de vie et 8°C dans les chambres pendant au moins un hiver (meilleur résultat obtenu) mais de tels résultats restent l'apanage de pionniers.
Il n'est pas clair si ces solutions peuvent s'inscrire dans le temps.
On ne sait pas quelle solution permet quelle progression, pour qui et dans quelles conditions d'utilisation.
Les solutions de maintient du chaud ou d'apport de chaleur directement au corps semblent pouvoir fonctionner dans certains cas mais paraissent à ce stade également indissociables d'une démarche plus profonde sur le plan idéologique et mental.
7/ On est pas prêt à imaginer et faire la même chose en cas de crise (qui a une durée limitée) que dans un contexte ou ces changements deviennent une nouvelle normalité, inscrite dans le temps. C'est un constat intéressant que nous avons réalisé. Les solutions pour une situations "catastrophe" ne sont pas nécessairement les mêmes qu'en cas de black-out complet. L'approche actuelle, plutôt progressive, ne permet de s'équiper en connaissance et en outils que pour une "nouvelle normalité". Pour le moment, tout un champ de recherche reste ouvert sur l'approche "Black-out de chaleur" de 1 jour, 1 semaine, 1 mois, 1 hiver…
8/ Ce que nous avons principalement découvert jusqu'ici ce sont nos premières limites et l'ampleur du défi qui nous attend dans les prochaines années. Atteindre la durabilité c'est aujourd'hui, plus que jamais, un objectif difficile: nous seulement par la distance qui nous en sépare mais aussi car en touchant à notre relation à la chaleur on touche également à nos relations sociales, la convivialité, notre habillement, nos activités, nos comportements... On touche également à notre intimité et à notre dignité, notre image renvoyé aux autres et à nous mêmes.
Enfin du moins on y touche dans notre conception des choses. Avec nos constructions sociales actuelles qui ne posent pas encore le respect de l'environnement au grade de vertu sympathique et souhaitable...
Heureusement, nos constructions sociales ne cessent de changer. Les fiertés d' hier sont les ringardises de demain.
Ce qu'on a découvert, donc, c'est que ce n'était pas facile de concilier cet objectif avec tous les autres aspects de notre vie. L'humain est fait de contradictions en voilà une de plus.
Vivre avec 85% de chaleur en moins cela nécessite de repenser en profondeur notre usage de chaleur ainsi que tout l'imaginaire qui entoure ces rites (la douche chaude quasi chorégraphiée du matin ou du soir, la chauffage qui démarre tous les jour à la même heure…).
Chacun des points évoqués ci-dessus pourrait faire l'objets d'années de recherche pour produire les connaissances et les outils nécessaires à la Région pour développer sa résilience !
Comme nous ne pouvons pas tout faire, lors de notre prochain Atelier nous déciderons des connaissances et des outils que SlowHeat cherchera à produire pendant les prochains mois !
* si tous les Bruxellois faisaient l'exercice et que l'on ne bénéficie plus de la chaleur de son voisin. Dans la réalité l'économie d'énergie est beaucoup plus importante. En effet, plus vous baissez la température, plus vos voisons seront "chauds", comparativement à vous et plus vous profiterez de leur chaleur. Mais cela engendrera une légère surconsommation chez le voisin. OOps ;-) Heureusement le bilan reste très bon ! Puis cela lui donnera peut-être aussi envie de baisser un peu son thermostat ;)
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